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Système D au Sahara nigérien, authentique désert médical
La liste des besoins criants de la case de santé de Tchimaden Tafa ne tarit jamais: seule l'arrivée d'une patiente met un terme à la longue litanie. Dans le petit village de Souloufeta, dans les montagnes de l'Aïr du nord du Niger, elle rêve d'une normalité médicale méconnue au Sahara.
"Ce qui serait l'idéal pour les consultations ce serait d'avoir une boite de pansements, la balance pour adultes", commence l'infirmière. Puis elle embraye d'une petite voix: "et aussi il manque l'électricité, un frigo, un mur de clôture..."
Sa case est un petit bâtiment de béton de deux pièces reliées entre elles: une salle de consultation, une de stockage. Les deux sont quasiment vides. Une clôture de barbelés empêche chèvres et chameaux de s'inviter au-dedans.
Quand un habitant est malade, il vient s'asseoir devant Tafa, la porte ouverte pour laisser passer le soleil.
Mais souvent "tu le regardes et tu l'observes seulement. On n’a pas de moyen de le transporter, on n'a pas de matériel, qu'est-ce que tu peux faire?", soupire la jeune femme.
Avec sa centaine d'habitants répartis dans une quinzaine de maisons en banco installées au bord d'une palmeraie, Souloufeta n'est sur le papier pas bien loin d'Iférouane, le centre de santé le plus proche: 7 km tout au plus.
Mais les distances sont longues dans cette région d'Agadez, le nord du Niger montagneux et désertique. Elles se comptent en temps et... en obstacles à franchir.
Quand la pluie s'invite - durant une courte période de l'année -, la route de Souloufeta est souvent coupée.
- Ambulance 4x4 -
Au volant de son ambulance 4x4 - comme beaucoup de véhicules ici - Azori Lahou raconte de longues journées. Assis contre le mur du centre de santé d'Iférouane, il peut être "activé" dès que le besoin est là.
Il peste contre les "sérieux problèmes" de routes, dit changer ses pneus tous les dix jours à cause des pierres acérées. Le chauffeur, cinq ans de métier au compteur, amène d'abord les patients jusqu'à Iférouane, puis en cas de besoin, vers les hôpitaux les plus proches: Arlit et Agadez.
Ces deux villes, les principales d'une région grande comme la France, sont respectivement à cinq et neuf heures de piste. "Et ça c'est quand ça va", dit Azirou Lehou. Un goudron - le seul - a bien été construit il y a des années grâce aux revenus de l'uranium de la zone, mais le vent et les camions en ont eu raison.
Azirou Lehou ne s'étendra pas sur les décès, mais il se dit qu'ils sont nombreux sur les trajets.
Le médecin-chef d'Iférouane Ada Daouda, un des deux docteurs de la zone, tente de limiter les dégâts en expliquant mettre les malades en condition avant qu'ils ne prennent la route.
"Mais quelqu'un qui a des fonctions vitales en danger et qui doit attendre des heures pour être soigné, vous voyez ce que ça fait...", soupire-t-il.
Et à Souloufeta, le concept de l'ambulance reste un voeu pieux: la moto, moins chère et omniprésente, sert à évacuer. Un chauffeur devant, le malade derrière. "Elle n'est pas faite pour ça, il y a un risque pour la santé", dit l'infirmière Tafa.
- Mutuelle et comité de gestion local -
La situation de la santé au Niger est "préoccupante", selon l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Les taux élevés de morbidité et de mortalité, notamment maternelle (509 pour 100.000 naissances), doublés d'une pénurie de ressources humaines et d'une forte disparité entre zones rurales et urbaines, rendent amer le constat et nombreux les besoins.
"Il faut raconter qu'on a besoin de ressources!", dit le docteur Daouda, face à un quotidien fait de bric et de broc. Un "plaidoyer" repris par les autorités sanitaires régionales et locales, contactées par l'AFP.
Un double système de mutuelle (au niveau du district) et de cotisation locale a été mis en place pour colmater les nombreuses brèches financières. A Iférouane, deux mutuelles permettent ainsi l'usage d'ambulances pour 2.000 francs (3 euros) de cotisation annuelle.
A Souloufeta, un comité de gestion (Coges) de la case de santé a proposé aux habitants de donner 1.000 francs par mois, 1,5 euros. "On collecte l'argent et on fait des achats de médicaments", raconte Moussa Ibrahim, jardinier de profession et président du Coges.
Le vieil homme enturbané est bien conscient que c'est "insuffisant" et qu'il faudrait faire davantage, mais "les gens sont pauvres et n'ont pas tous les moyens de contribuer, ils font de leur mieux".
P.Kolisnyk--CPN