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Tunisie: faible mobilisation pour l'élection d'un Parlement au rôle limité
Les Tunisiens ont boudé les urnes samedi alors qu'ils étaient appelés à renouveler leur Parlement, un scrutin voulu par le président Kais Saied pour mettre un point final au processus enclenché par son coup de force de juillet 2021.
Une nouvelle Assemblée de 161 députés, aux pouvoirs très limités, doit remplacer celle que M. Saied avait gelée le 25 juillet 2021 (puis dissoute début 2022), arguant d'un blocage des institutions démocratiques en place depuis la chute du dictateur Ben Ali en 2011, lors de la révolte des Printemps arabes.
Confirmant un constat des correspondants de l'AFP à Tunis et en région, le président de l'autorité électorale Isie, Farouk Bouasker, a annoncé seulement "656.915 votants, soit 7,19% des inscrits à 15H00" (14H00 GMT), trois heures avant la clôture.
La participation finale risque d'être encore plus faible que les 30,5% de votants au référendum organisé l'été dernier pour réviser la Constitution.
Pourtant, le président était sorti de son palais de Carthage, tôt après l'ouverture à 07H00 GMT des bureaux, pour voter et mobiliser les 9 millions d'électeurs. "C'est une opportunité historique de retrouver vos droits légitimes", a-t-il dit.
Accusant M. Saied de "dérive dictatoriale", le Front du salut national, coalition d'opposants dominée par le mouvement d'inspiration islamiste Ennahdha qui a contrôlé le Parlement pendant 10 ans, avait déjà boycotté le référendum sur la Constitution.
Autre facteur alimentant la désaffection : les candidats (1.055), pour moitié enseignants ou fonctionnaires de niveau intermédiaire, sont en grande majorité inconnus, et moins de 12% sont des femmes dans un pays attaché à la parité.
Même la puissante centrale syndicale UGTT a jugé ces législatives inutiles.
- "assassiné" -
Salima Bahri, une étudiante de 21 ans, rencontrée par l'AFP en banlieue de Tunis, ne vote pas car "il n'y a pas de choix à faire, en l'absence de partis politiques".
En province, l'atmosphère était tout aussi morose.
A Kasserine (centre), région déshéritée proche de Sidi Bouzid où avait éclaté la Révolution de 2011, Abed Jabbar Boudhiafi, 59 ans, a voté "par devoir électoral", en espérant que "cela changera la situation politique et économique".
Mohammed Jraidi, 40 ans, boude les urnes: "Je n'ai pas confiance dans la classe politique. Ils ont fait de nous des cobayes pour toutes sortes d'élections alors que ça va de mal en pis sur le plan économique et social".
Plus au sud à Gafsa, Aicha Smari, 46 ans, dit avoir voté "poussée par la date-anniversaire du 17 décembre" 2010 quand le jeune vendeur Mohamed Bouazizi s'était immolé, après s'être vu confisquer son chariot de fruits et légumes, déclenchant la Révolution tunisienne.
Abstentionniste, Abdel Kader Tlijani, 55 ans, juge, lui, que les gouvernements successifs "ont assassiné la Révolution et nos rêves".
Après un second tour d'ici à début mars, l'Assemblée des députés aura des prérogatives très limitées en vertu de la Constitution adoptée en juillet dernier.
Le Parlement ne pourra pas destituer le président et il lui sera pratiquement impossible de censurer le gouvernement. Il faudra dix députés pour proposer une loi et le président aura la priorité pour faire adopter les siennes.
- "légitimité" -
"Ce vote est une formalité pour parachever le système politique imposé par Kais Saied et concentrer le pouvoir entre ses mains", explique à l'AFP le politologue Hamza Meddeb.
"Les Tunisiens savent que le Parlement sera dénué de tout pouvoir", estime-t-il.
La principale préoccupation des 12 millions de Tunisiens reste la cherté de la vie, avec une inflation de près de 10% et des pénuries récurrentes de lait, sucre ou riz.
Le scrutin est "un outil dont se sert le président Saied pour conférer une légitimité à son monopole du pouvoir", a estimé l'analyste Hamish Kinnear, du cabinet Verisk Maplecroft.
Mais la mise en place d'un Parlement permettra, selon lui, "un retour à une plus grande prévisibilité politique" et facilitera pour la Tunisie l'obtention de l'aide des bailleurs de fonds étrangers.
La Tunisie, dont les caisses sont exangues, a demandé un nouveau prêt de 2 milliards de dollars au FMI, qui conditionne toute une série d'autres aides étrangères.
H.Meyer--CPN