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Après une année de galères, l'heure des comptes pour EDF
Le géant de l'électricité EDF s'apprête à annoncer vendredi une dette stratosphérique et des pertes colossales au terme d’une année noire, plombée par les déboires de son parc nucléaire, mais aussi par sa contribution forcée au "bouclier tarifaire" des Français.
L'année 2022 aura été une année tristement record pour le fleuron fragilisé de l'énergie qui a vu sa production électrique nucléaire et hydraulique tomber à des niveaux historiquement bas en pleine crise énergétique et climatique mondiale.
En juillet, EDF avait annoncé une perte historique rien qu'au premier semestre de 5,3 milliards d'euros. Sa dette nette devrait atteindre 57 milliards pour l'exercice entier selon les analystes sondés par Bloomberg et Factset.
"A un moment où l'électricité coûte cher, le mégawattheure qu'on ne produit pas est un manque à gagner terrible", indiquait il y a quelques semaines à l'AFP Julien Teddé, directeur général du courtier Opéra Energie.
L'exploitant EDF a en effet cumulé les ennuis entre la découverte de corrosion sur des tuyauteries cruciales pour la sûreté des centrales nucléaires et les retards pris dans leur maintenance à cause du Covid. Résultat: en 2022, la disponibilité moyenne du parc de 56 réacteurs est tombée à 54% (contre 73% sur la période 2015-2019), faisant planer la menace de coupures électriques en plein hiver.
- Corrosion, sécheresse, guerre en Ukraine -
Finalement, le pire a été évité grâce aux importations d'électricité, aux efforts de sobriété des Français et à la course d'EDF pour rebrancher ses réacteurs.
Il n'empêche, la note risque d'être salée pour l'électricien. Jamais aussi peu de térawattheures d'origine nucléaire n'avaient été produits depuis 1988, avant la fin de la construction du parc nucléaire: 279 TWh en 2022. Bien loin de l'époque où EDF crachait 430 TWh comme en 2005.
Pour ne rien arranger, la production électrique de ses barrages, mise à mal par une météo exceptionnellement sèche et chaude, est tombée à son "plus bas niveau" depuis la sécheresse mémorable de 1976, a indiqué jeudi RTE, le gestionnaire du réseau de transport d'électricité.
La guerre en Ukraine a enfoncé le clou avec la flambée des prix du gaz et de l'électricité.
Car pour contenir la facture des Français grâce au bouclier tarifaire, l’Etat, actionnaire majoritaire, a obligé le groupe à vendre en 2022 davantage d'électricité à bas prix à ses concurrents, fournisseurs d'électricité alternatifs. Une mesure au coût exorbitant pour l'opérateur historique: 8,34 milliards d'euros. Le groupe a dû en effet racheter de l'électricité à prix d'or sur les marchés en étant contraint de la revendre à prix cassé.
- Relance nucléaire -
Régulièrement dénoncé par EDF et les syndicats, ce mécanisme appelé Arenh a été bâti par la France en 2010 pour essayer de rester dans les clous de la concurrence imposée par Bruxelles. Comment? En obligeant EDF à céder à ses concurrents une part de sa production nucléaire (100 TWh) au prix coûtant de 42 euros le MWh.
"Le tarif n'a jamais bougé" depuis sa mise en place il y a douze ans, observe Jacques Percebois, professeur émérite à l'université de Montpellier où il dirige le Centre de recherche en économie et droit de l'énergie.
Juste avant de prendre ses fonctions de PDG, Luc Rémont, chargé par l'exécutif de présenter une recette de sauvetage d'ici au printemps prochain, affirmait en octobre que ce système était "à bout de souffle" et induisait "une sous-rémunération" de l'activité nucléaire d'EDF.
Une dette abyssale? "On ne sera pas tout seul", fait valoir EDF, puisque l’Etat est en train de renationaliser à 100% l'entreprise afin d'organiser le déploiement et le financement de son ambitieux plan de relance nucléaire annoncé il y a un an par Emmanuel Macron.
L'objectif est clair: "produire plus" d'énergie décarbonée. "Plus il y aura de mégawatts et mieux EDF se portera", clamait en décembre le ministre de l'Economie Bruno Le Maire.
S.F.Lacroix--CPN