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Pris en tenaille par l'inflation, les locataires américains luttent pour éviter l'expulsion
Pendant près de huit ans, faire des livraisons était suffisant pour permettre à Laine Carolyn de payer ses factures mais de soudains problèmes de santé l'ont forcée à cesser de travailler, l'empêchant désormais de payer son loyer.
La jeune femme de 32 ans fait partie du nombre de plus en plus élevé de locataires qui risquent l'expulsion, pris en tenaille entre l'inflation élevée, la hausse des loyers et la fin des aides mises en place durant la pandémie.
Chaque année, 3,6 millions d'expulsions sont réalisées aux Etats-Unis, estime Peter Hepburn, directeur associé du laboratoire dédié au sein de l'université de Princeton.
Dans la pratique, les causes sont multiples: dans un tribunal de Virginie, l'AFP a pu rencontrer des locataires, vivant au jour le jour, confrontés à un incident imprévu ou une facture médicale, qui se retrouvent devant le juge dans une procédure d'expulsion.
C'est notamment le cas de Mme Carolyn, qui doit plus de 10.000 dollars de loyers. Mais, atteinte de la maladie de Basedow, maladie auto-immune de la thyroïde, elle est hospitalisée depuis novembre et incapable de reprendre un emploi.
"Je commençais à voir trouble, cela devenait dangereux pour la conduite", explique-t-elle, "c'est comme un brouillard permanent dans mon cerveau et cela m'empêche littéralement de réfléchir".
Elle a, dans un premier temps, tenté de trouver une solution avec son propriétaire mais la détérioration de sa santé a compliqué les choses: "Je ne gagnais plus assez".
"J'ai pu gagner encore environ 800 dollars avant de cesser de travailler. Et j'ai dû choisir entre payer mon loyer ou mon alimentation et mes médicaments. Je suis en colère, frustrée, je me sens coupable et même honteuse... Mais je suis réellement malade et je dois l'accepter", explique-t-elle.
- "Hausse constante" -
Le nombre de procédures d'expulsion est en "hausse constante" depuis début 2022, dans un pays où 30% des habitants sont locataires, et se rapproche désormais des niveaux atteints avant la pandémie, souligne M. Hepburn.
Dans les 10 Etats et les 34 villes où son laboratoire étudie la situation, elles sont passées de 6.600 en avril 2020, en pleine première vague de Covid-19, à plus de 96.800 en janvier dernier.
Durant la pandémie, les protections légales mises en place avaient fortement réduit le risque d'expulsion mais elles n'étaient que temporaires.
Depuis, la hausse est constante et "nous n'avons pas encore atteint de plateau" estime Mary Horner, avocate pour les services juridiques du nord de la Virginie.
Certains foyers ont obtenu une assistance pour le loyer qui ne s'est jamais matérialisée, faute de moyens, entraînant des arriérés de plus de 10.000 dollars, mais beaucoup d'autres "doivent nettement moins mais ne peuvent juste pas suivre la hausse de leur loyer", insiste Mme Horner.
"Les loyers ont beaucoup augmenté, l'inflation renchérit les prix de l'alimentation, les revenus des familles sont de plus en plus sous tension", ajoute-t-elle.
A Richmond, la situation est renforcée par un taux de logements vides particulièrement faible, alors que la ville était la seconde en nombre d'expulsions au niveau national en 2016.
"C'est la situation parfaite pour voir des locataires encore plus coincés qu'ils ne l'étaient avant la pandémie", selon Martin Wegbreit, directeur du contentieux à la société d'aide juridique de Virginie centrale.
- Un risque inégalement réparti -
La hausse des loyers s'est ralentie mais elle représente toujours plus de 70% de l'inflation au mois de février. Et pour ceux qui sont concernés, une expulsion est traumatisante insiste Mary Horner.
"La quasi totalité des locataires ne sont pas représentés en audience, ils ne connaissent pas nécessairement leurs droits", souligne-t-elle.
Afin d'assister à l'audience, beaucoup doivent poser un congé et souvent amener leurs enfants, faute de solution de garde, telle Diamond, jeune femme de 25 ans, qui a repris le travail juste après avoir accouché dans l'espoir d'éviter d'être expulsée.
"C'est stressant car j'ai un bébé, personne ne veut se retrouver sans abri", dit-elle à l'AFP.
L'administration Biden a bien annoncé des mesures visant à rééquilibrer le marché locatif, notamment en limitant les hausses de loyers, mais les effets ne seront pas visibles avant un moment.
Et le risque d'expulsion est inégalement réparti: il concerne plus souvent des Afro-américains ainsi que des femmes avec enfants, note Peter Hepburn.
"Les causes économiques en expliquent largement la cause mais on ne peut pas éliminer le fait que les discriminations puissent également jouer", précise-t-il.
D'autant que la trace reste ajoute M. Hepburn: "Si vous vous retrouvez dans une procédure d'expulsion, le dossier vous suivra".
A.Leibowitz--CPN