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La Cour suprême exhortée à décider en urgence du sort de la pilule abortive
Le gouvernement de Joe Biden a demandé vendredi à la Cour suprême américaine d'intervenir en urgence pour préserver le statu quo sur la pilule abortive, avant que des restrictions à son accès ordonnées par une cour d'appel ne prennent effet dans la nuit.
Le temple du droit américain, dominé par les conservateurs, se retrouve ainsi de nouveau saisi d'un dossier portant sur l'avortement, dont l'issue est on ne peut plus incertaine.
La bataille judiciaire en cours, dernier rebondissement dans l'assaut contre le droit à l'avortement aux Etats-Unis, a pour enjeu l'accès sur tout le territoire américain à la mifépristone.
En combinaison avec un autre médicament, cette pilule est utilisée pour plus de la moitié des avortements aux Etats-Unis, et plus de cinq millions d'Américaines l'ont déjà prise depuis son autorisation par l'Agence américaine des médicaments (FDA), il y a plus de 20 ans.
S'il entre en vigueur, le jugement d'une cour d'appel fédérale prononcé mercredi aurait "des conséquences immenses pour l'industrie pharmaceutique, les femmes ayant besoin d'accéder au médicament, et la capacité de la FDA à mettre en oeuvre son autorité réglementaire", a fait valoir le gouvernement.
La saga judiciaire a commencé la semaine dernière: un juge fédéral au Texas, saisi par des militants anti-avortement, avait retiré l'autorisation de mise sur le marché de la mifépristone. En dépit du consensus scientifique, il a estimé qu'elle présentait des risques pour la santé des femmes.
Il avait prévu un délai d'une semaine avant que sa décision ne s'applique.
Saisie par le gouvernement fédéral, la cour d'appel a partiellement invalidé la décision du juge, en permettant que la pilule abortive reste autorisée pour le moment -- mais il est revenu sur les facilités d'accès accordées par la FDA au fil des années.
Son jugement revient ainsi notamment à interdire l'envoi par la poste de la mifépristone, et à retourner à une utilisation limitée à sept semaines de grossesse, au lieu de dix.
- "Chaos" -
Dans sa requête, le gouvernement demande une "suspension" du jugement de la cour d'appel "pour préserver le statu quo", en attendant un examen du dossier sur le fond.
Faute de quoi les restrictions, qui s'appliqueront à 01H00 du matin samedi (05H00 GMT), créeront un "chaos réglementaire".
En effet, les boîtes de pilules en circulation comporteraient des indications différentes que celles ordonnées par la cour d'appel, pointe le gouvernement. Et les changer est un processus qui prendrait "des mois".
De plus, un autre juge fédéral a rendu une décision contraire, en interdisant à la FDA de changer les conditions de distribution de la pilule abortive dans les 17 Etats à l'origine du recours et la capitale Washington, plaçant l'agence dans une "situation intenable", argumente le gouvernement.
L'une des deux entreprises qui commercialisent la mifépristone aux Etats-Unis, le laboratoire Danco, a également demandé à la Cour suprême d'intervenir.
La crainte de responsables du secteur pharmaceutique, et de nombreux experts, est que ce jugement n'ouvre la voie à la remise en cause par des tribunaux d'autres médicaments -- ou même de vaccins.
Il s'agit de la première fois qu'une cour de justice annule les conditions d'autorisation d'un médicament en se fondant sur une évaluation de sa sûreté, s'est ému le gouvernement dans sa requête, accusant les magistrats d'aller à l'encontre du "jugement scientifique" de la FDA.
- Restreint en Floride -
Jeudi, le parlement de Floride, l'un des Etats américains les plus peuplés, a par ailleurs adopté une loi interdisant les avortements au-delà de six semaines de grossesse, soit avant que la plupart des femmes ne sachent être enceintes.
Les Etats sont libres de légiférer sur le sujet depuis que la Cour suprême a annulé, dans une décision historique en juin 2022, la protection fédérale de l'avortement, en enterrant l'arrêt emblématique "Roe v. Wade" de 1973.
Dans une quinzaine d'Etats, l'avortement est ainsi désormais interdit -- y compris par voie médicamenteuse.
Des voies détournées existent toutefois pour les femmes de ces Etats: des organisations sont mobilisées pour fournir des pilules abortives depuis l'étranger ou d'autres Etats, et des sites commerciaux les vendent également en ligne.
Pour les Etats où l'avortement reste légal, si l'accès à la pilule abortive y est restreint, les femmes auraient encore l'option d'un avortement par aspiration -- une procédure plus lourde et nécessitant de se rendre dans une clinique.
Certains médecins envisagent ainsi de continuer à proposer des avortements médicamenteux en utilisant seulement le deuxième cachet, le misoprostol. Mais cette méthode a un taux d'efficacité un peu moindre et davantage d'effets secondaires (fortes crampes...) que celle combinant misoprostol et mifépristone.
Y.Tengku--CPN