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Sommet gréco-turc à Istanbul entre voisins de l'Otan, avec l'Ukraine en tête
La visite dimanche à Istanbul du Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis et son tête-tête avec le président turc Recep Tayyip Erdogan nourrissent l'effort de rapprochement entre les deux voisins, membres de l'Otan et rangés du côté de l'Ukraine face à la Russie.
Le président turc a saisi l'occasion d'un déplacement de M. Mitsotakis auprès du patriarche Bartholomée Ier de Constantinople, primat des églises orthodoxes dont celle de Grèce, pour l'inviter à déjeuner à la résidence présidentielle sur les rives du Bosphore.
"La réunion s'est concentrée sur les avantages d'une coopération accrue entre les deux pays" au vu de "l'évolution de l'architecture de sécurité européenne", a indiqué la présidence turque dans un communiqué, diffusé à l'issue de la rencontre de deux heures, achevée autour de 16H15 (13H15 GMT).
"Malgré les désaccords entre la Turquie et la Grèce, il a été convenu (...) de maintenir ouverts les canaux de communication et d'améliorer les relations bilatérales", ajoute le communiqué, selon lequel les deux dirigeants ont abordé le conflit en Ukraine et leurs différends en Méditerranée orientale.
Avant le déjeuner, M. Mitsotakis avait assisté à une célébration dans la cathédrale orthodoxe Saint-Georges, la principale de Turquie, à Istanbul.
Une étape hautement politique dans le contexte de la guerre en Ukraine: le patriarche de Constantinople a reconnu le statut "autocéphale", c'est-à-dire indépendant, de l'Eglise ukrainienne, déclenchant l'ire de la Russie.
- "l'angoisse au coeur" -
Bartholomée, qui a affirmé début mars "être une cible pour Moscou", a appelé au cours de la messe à un "cessez-le-feu immédiat sur tous les fronts" de la guerre entre la Russie et l'Ukraine, qu'il a dit observer avec "l'angoisse au coeur".
Le patriarche a également salué la "vigoureuse résistance" des Ukrainiens et "la courageuse réaction des citoyens russes".
La relation traditionnellement conflictuelle entre Athènes et Ankara s'est envenimée ces dernières années en raison de tentatives de forage turc en Méditerranée orientale.
A l'été 2020, la Turquie avait voulu explorer des gisements d'hydrocarbures dans ces eaux disputées mais la reprise en 2021 des pourparlers bilatéraux ont apporté une détente relative.
Ce "sommet gréco-turc intervient à l'occasion de la guerre en Ukraine, mais il sera évalué dans le cadre du dialogue gréco-turc entamé après la désescalade de la crise" de l'été 2020, a expliqué à l'AFP Antonia Zervaki, professeure adjointe de relations internationales à l'Université d'Athènes.
Elle y voit "l'indice d'un effort de rapprochement et de compréhension" entre les deux pays.
- contribution au dialogue -
Mercredi, Kyriakos Mitsotakis s'était dit "disposé" à contribuer à ce dialogue d'"une manière productive d'autant plus que les deux pays sont préoccupés par les affaires régionales".
"En tant que partenaires au sein de l'Otan, nous sommes appelés à agir dans la conjoncture actuelle" pour "tenter de maintenir notre région loin de toute autre crise géopolitique (tout en) dénonçant la violation du droit international" par la Russie, a déclaré le chef du gouvernement grec lors d'un conseil des ministres.
Comme l'ensemble de ses partenaires européens, Athènes a condamné fermement dès le 24 février l'invasion russe en Ukraine.
"Avec la perspective d'une guerre prolongée en mer Noire, les deux pays ont intérêt à améliorer leurs relations bilatérales", explique à l'AFP Sinan Ulgen, directeur du Centre des Etudes économiques et politiques à Istanbul.
Car "leur diplomatie - mais aussi dans une certaine mesure leur effort militaire – seront réorientés en fonction de cette crise entre l'Ukraine et la Russie", ajoute-t-il.
- Eviter une nouvelle "escalade" -
Pour Asli Aydintasbas, membre du Conseil européen des relations étrangères (ECFR), la guerre en Ukraine "peut avoir un impact positif sur les relations gréco-turques".
De part et d'autre de la mer Egée, les responsables ont compris que "le monde change et que la sécurité européenne est remise en cause d'une manière inimaginable il y a trois mois", observe l'experte.
"Le fait qu'on ait des différends ne veut pas dire, surtout dans cette conjoncture, qu'il ne faut pas discuter", avait indiqué M. Mitsotakis avant sa visite, sans cacher avoir "des aspirations mesurées et réalistes".
T.Morelli--CPN