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Petrobras, navire amiral de l'industrie du Brésil en pleine turbulence
Fleuron de l'industrie brésilienne, Petrobras traverse une période de turbulences, entre pressions politiques et mission quasi impossible de faire baisser les prix du carburant en pleine crise internationale.
Plus grande entreprise du pays, la compagnie pétrolière publique a à peine eu le temps de naviguer à nouveau en eaux calmes après la tempête du mega-scandale de corruption "Lavage Express".
Petrobras a dégagé un bénéfice net record en 2021, de près de 20 milliards de dollars, mais son redressement est passé au second plan, les tensions autour de ses dirigeants accaparant l'attention.
Le chef d'Etat d'extrême droite Jair Bolsonaro a limogé la semaine dernière le général Joaquim Silva e Luna, deuxième président de la compagnie durant son mandat, fustigeant le "manque de sensibilité" de sa politique tarifaire.
Son prédécesseur, Roberto Castello Branco, avait déjà été limogé il y a un an en raison d'un désaccord avec Jair Bolsonaro sur les prix des carburants fixés par Petrobras.
Le prix des carburants, aligné sur le marché international, a grimpé de 33% en un an, un prix jugé "impossible à payer" par le chef de l'Etat.
En cette année électorale, qui verra une présidentielle hautement polarisée, le principal adversaire de Jair Bolsonaro, l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, y est aussi allé de ses piques contre la compagnie pétrolière.
"Préparez-vous, nous allons +brésilienniser+ le prix des carburants", a lancé récemment l'ancien syndicaliste lors d'un discours à Rio de Janeiro.
Mais la règlementation interne de Petrobras, coté en Bourse à Sao Paulo et à New York, et le fait que le Brésil ne soit pas autosuffisant en pétrole, empêchent tout changement drastique de la politique tarifaire, selon les analystes consultés par l'AFP.
"On pourrait créer un fonds de stabilisation pour atténuer les variations de prix, mais il n'est pas possible de changer en profondeur la politique tarifaire", explique Gesner Oliveira, économiste de la Fondation Getulio Vargas.
- Succession compliquée -
Quelque 75% des Brésiliens jugent le président Bolsonaro responsable de l'inflation à deux chiffres dopée par la hausse des prix des carburants.
Pour Gesner Oliveira, Joaquim Silva e Luna a été sacrifié par Bolsonaro "pour satisfaire son électorat".
"Manipuler la politique tarifaire, c'est comme manipuler la loi de la gravité", a lancé le général Silva e Luna lors d'un entretien à l'hebdomaire Veja, après avoir été remercié.
Mais depuis son limogeage, le gouvernement a eu toutes les peines du monde à lui trouver un successeur.
Le premier à être nommé, l'économiste Adriano Pires, a renoncé à assumer ce poste en raison d'un possible conflit d'intérêt avec son cabinet de consultants.
La presse brésilienne a fait état de plusieurs refus d'autres personnalités pressenties, jusqu'à ce que le gouvernement opte finalement mercredi pour José Mauro Coelho, qui était chargé des questions pétrolières au Ministère des Mines et de l'Energie.
Sa prise de fonction ne sera possible qu'après l'approbation de sa nomination par l'assemblée générale des actionnaires, le 13 avril.
En 68 ans d'existence, Petrobras a connu une valse de présidents: 39 précisément, avec une longévité moyenne inférieure à deux ans.
"C'est un poste exposé à une très forte pression politique, et chaque limogeage s'apparente à une réponse politique facile à un problème économique complexe", estime Adriano Laureno, du cabinet de consultants Prospectiva.
- "Patrimoine" -
Autre sujet brûlant: une éventuelle privatisation de Petrobras, déjà évoquée à plusieurs reprises par le président Bolsonaro.
En marge de négociations sur l'adhésion du Brésil à l'OCDE à Paris, le ministre de l'Economie, Paulo Guedes, un "Chicago Boy" ultra-libéral, a dit fin mars qu'il "rêvait" de privatiser la compagnie, mais a assuré que cela n'aurait pas lieu lors de l'actuel "premier mandat" de Jair Bolsonaro.
Le sort de Petrobras est donc intimement lié à la présidentielle d'octobre, avec son lot d'incertitudes, Lula étant pour le moment donné favori par les sondages.
Pour que la privatisation se concrétise, elle doit être approuvée par le Parlement, dont la majorité des élus est encore réfractaire à cette idée, tout comme les Brésiliens en général (54%), selon un sondage Poderdata.
"Au Parlement comme au sein de la population, Petrobras est considéré comme le joyau de l'Etat brésilien", dit Adriano Laureno.
H.Meyer--CPN