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Une chercheuse américaine en désinformation déplore une "chasse aux sorcières"
A deux mois de l'élection présidentielle américaine, la chercheuse en désinformation Renee DiResta déplore une "chasse aux sorcières incroyable" contre les universitaires, accusés de connivence avec le gouvernement pour notamment censurer les discours conservateurs en ligne.
Visés par des plaintes de groupes de droites ou des citations à comparaître de la part d'une commission parlementaire contrôlée par des républicains, les universitaires ainsi que les centres de recherche dénoncent une vaste offensive d'intimidation avant l'élection.
Le contrat de Renee DiResta au Stanford Internet Observatory (SIO), un projet de recherche apolitique sur la désinformation, comme celui de beaucoup d'autres n'a d'ailleurs pas été renouvelé à la suite d'une enquête réalisée par cette commission.
QUESTION: A quelles pressions le projet de recherche a-t-il été confronté?
REPONSE: Nous avons reçu une lettre et une citation à comparaître de Jim Jordan, à la tête d'une commission parlementaire. On nous a demandé tous les emails que nous avions échangés avec le pouvoir exécutif américain et avec les plateformes.
C'était une demande très large pour apparemment déterminer s'il y avait eu une sorte de complot où le gouvernement nous aurait demandé de réclamer aux plateformes de supprimer des informations ou du contenu. Ce qui n'est jamais arrivé.
Nous avons remis de larges quantités d'informations. Plusieurs collègues qui avaient travaillé sur ce projet ont été interrogés pendant plusieurs heures par la commission. Rien n'a permis d'étayer leur théorie, mais cela a engendré des coûts considérables en termes de temps, de frais d'avocats.
Les étudiants qui participent au projet ont notamment été harcelés. En fin de compte, Stanford a décidé de ne pas poursuivre certaines recherches et nos contrats n'ont pas été renouvelés pour cause de financement.
QUESTION: Quel a été l'impact de ces pressions sur la recherche en matière de désinformation électorale en cette année politique décisive?
REPONSE: Il y a eu un effet paralysant. L'idée que des enquêtes de commissions parlementaires mettent un terme à des recherches ou que les réaliser effraient les étudiants notamment à cause du harcèlement est frappant.
Nous sommes une institution parmi d'autres. J'ai vu une statistique selon laquelle environ 91 citations à comparaître étaient sorties de cette commission.
C'est une chasse aux sorcières incroyable conduisant à ce que les institutions avec moins de ressources choisissent de ne pas se battre, mais simplement de s'exécuter aussi vite que possible.
Il y a l'impression que travailler sur certains sujets attirera une attention indésirable, donc que l'on ne devrait pas travailler sur ces sujets. C'est terrible. Cela va contre ce que le monde universitaire devrait être. Il est censé poser les questions difficiles, mener des recherches compliquées, réaliser des choses que les entreprises ne veulent pas faire, ou que le gouvernement n'est pas en mesure de faire.
QUESTION: Comment gérez-vous les attaques personnelles, la toxicité en ligne? Des internautes vous ont appelé "CIA Renee", insinuant que vous aviez des liens secrets avec les services de renseignements américains.
REPONSE: Je fais face à des idiots sur internet depuis une décennie maintenant. Les gens ont leurs opinions.
Je ne suis pas gênée par le harcèlement de "trolls" en ligne. Je suis dérangée par le fait que les autorités américaines (par le biais de la commission) le facilitent à ce point avec des enquêtes et rapports trompeurs, des phrases sélectives, des fuites de documents et des choses qui n'ont aucun lien avec la réalité.
C'est le problème sur lequel on doit se concentrer. C'est une atteinte à la liberté d'expression.
QUESTION: De nombreuses plateformes ont réduit la modération de contenus avant l'élection. Sont-elles capables d'affronter le flux de désinformation électorale?
REPONSE: La modération de contenus n'a jamais été la solution parfaite.
Nous pouvons débattre sur les domaines où les plateformes ne font pas assez, car il y en a. Mais nous ne pouvons pas non plus régler un problème humain avec la technologie. Les gens vont partager des rumeurs.
Pour lutter contre la désinformation, les plateformes ont traditionnellement apposé un label sur des informations douteuses mais son efficacité n'est pas prouvée. C'est toujours un domaine que l'on étudie. Certaines recherches disent que cela aide. D'autres non.
Une des choses que nous avons constatée est que nous avons besoin d'une participation plus proactive des institutions contre la désinformation. Nous avons besoin que des responsables électoraux contredisent de manière proactive les rumeurs.
J.Bondarev--CPN