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L'UE prévient la Suisse : L'Europe "n'est pas à la carte"
Les ministres européens des 27 ont dit mardi qu'ils s'opposaient à un menu "à la carte" dans les négociations de rapprochement avec la Suisse, ce qui rend l'adoption d'un éventuel accord très incertaine dans le petit pays alpin.
Bruxelles et Berne cherchent à "stabiliser et développer" leurs relations régies par plus de 120 accords, mais les interminables tractations, relancées en début d'année dans la douleur, semblent loin d'aboutir.
Après avoir déjà claqué une première fois la porte en 2021 sans crier gare, la Suisse a introduit récemment une nouvelle demande concernant l'immigration et qui remet en question l'un des piliers de la construction de l'Union européenne: la libre circulation des personnes.
"L'Europe n'est pas à la carte. On a des règles communes pour tous" qui comptent "pour la Suisse comme pour tout le monde", a déclaré le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères, Xavier Bettel, avant une réunion des 27 à Luxembourg.
"La France soutient la conclusion d'un accord avec la Suisse" mais dans le respect "des critères du marché unique et des quatre libertés de l'Union européenne", a averti son homologue français, Benjamin Haddad.
La Suisse cherche à négocier une clause de sauvegarde pour suspendre la libre circulation avec l'UE dans certains cas. Par exemple en cas de chômage élevé ou d'afflux massif de travailleurs européens, expliquent des experts.
"La dynamique est positive", avec "l'intention de conclure les négociations d'ici la fin de l'année", a assuré après la réunion le ministre hongrois des Affaires européennes Janos Boka, dont le pays occupe la présidence tournante du Conseil de l'Union européenne jusqu'à fin décembre.
La clause de sauvegarde est une idée de l'UDC, la droite radicale et premier parti de Suisse, "mais la nouveauté c'est que d'autres partis sont maintenant favorables à une clause (...) parce qu'ils sentent que la population estime qu'il y a trop d'immigration en Suisse", décrypte René Schwok, professeur au Département de science politique et relations internationales à l'université de Genève, pour l'AFP.
Plus du quart de la population totale vivant dans le pays alpin est composé d'étrangers, dont plus de deux tiers (71,9%) sont de l'UE ou de l'AELE (Islande, Liechtenstein, Norvège).
Samedi encore, le patron de l'UDC Marcel Dettling a réaffirmé: "les gens en ont assez de l'immigration de masse".
- Compromis ? -
Bruxelles réclame depuis 2008 un accord général harmonisant le cadre juridique des relations entre les deux partenaires -- incluant une reprise dynamique du droit européen -- condition pour que la Suisse puisse bénéficier de tout le potentiel du marché intérieur européen.
Les nouvelles tractations lancées en mars adoptent une approche sectorielle. Objectif: mettre à jour cinq accords (libre circulation des personnes; reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité; transports terrestres; transport aérien; agriculture) et en élaborer de nouveaux (électricité; sécurité alimentaire; santé).
La participation de la Suisse aux programmes européens dans de nombreux domaines (recherche, culture, sports...) est aussi en jeu tandis que l'UE réclame l'ouverture du marché ferroviaire helvétique.
"Nous souhaitons que tous les accords avec la Suisse soient enfin actualisés, car la Suisse est située au milieu de l'Europe et ne peut pas fonctionner avec des accords en vigueur depuis des décennies", a souligné mardi le secrétaire d'État allemand à l'Économie Sven Giegold.
Il a appelé à un "compromis" sur la libre circulation, appelant à "prendre au sérieux l'inquiétude de la Suisse sur une pression sur les salaires".
D'autres sujets inquiètent les Suisses, notamment sur le traitement des travailleurs détachés et les prestations sociales versées aux étrangers.
Bruxelles réclame de son côté une contribution régulière de la Suisse au Fonds de cohésion pour aider certains pays à rattraper leur retard de développement.
Autre obstacle majeur: en cas d'accord, le Parlement suisse aura son mot à dire, tout comme le peuple suisse par référendum.
"Un échec des négociations ne serait pas un statu quo, mais la remise en cause des accords bilatéraux par l'UE, par une lente érosion, par une non mise à jour", analyse M. Schwok.
A.Samuel--CPN