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"Notre dernier jour": en Ukraine, des mines à la portée des Russes
Ces derniers temps, quand elle se rendait à la mine pour travailler, Galyna Rodionova voyait depuis sa voiture "les flashs" et entendait "les booms" des combats en Ukraine. Jusqu'à ce que ses chefs lui disent de ne plus venir.
Depuis des mois, les troupes russes progressent dans la région minière de Donetsk, dans l'est du pays, capturant des sites industriels importants pour l'économie ukrainienne. D'autres suspendent leurs activités, à l'approche de l'ennemi.
Galyna Rodionova, 39 ans, travaillait comme opératrice près de la ville de Pokrovsk, dans une mine du village d'Oudatchné.
Malgré le danger croissant, elle s'y rendait sans flancher. "On continuait à travailler dur mais on se regardait en se disant +C'est probablement notre dernier jour+ et on se marrait", raconte-t-elle à l'AFP.
En décembre 2024, sa mine a été endommagée par des tirs russes et la plupart des employés ont été renvoyés chez eux, dont Galyna Rodionova.
Elle travaille désormais dans une animalerie d'un village proche. La mine lui manque beaucoup.
L'armée russe est actuellement à environ six kilomètres du centre de Pokrovsk, autrefois une cité industrielle prospère autour des plus importantes réserves de charbon d'Ukraine.
Début janvier, la principale mine du secteur, Pokrovsk Coal, qui employait 10.000 personnes avant l'invasion russe de 2022, a suspendu ses opérations.
Il s'agissait du dernier producteur ukrainien de charbon de coke, un composant clé pour la fabrication d'acier, qui constitue lui-même une part importante des exportations ukrainiennes.
- "Tout est brisé" -
Certains des sites industriels de Pokrovsk Coal fermés à Oudatchné sont maintenant utilisés par l'armée ukrainienne. Les terrils offrent des points d'observation et les souterrains, une protection.
Le sergent-chef "San Sanytch", son nom de guerre, fait partie de la 59e brigade déployée dans la zone. Il ne sait pas combien de temps ses camarades pourront tenir face à l'armée du Kremlin.
"On ne peut pas faire tant que ça. Même si des guerriers hors normes combattent dans nos rangs, les Russes sont plus nombreux que nous. Ça fait mal", reconnaît le soldat.
La prise de ces mines, en plus d'un nouveau revers pour l'armée et l'économie ukrainiennes, constituerait un bouleversement pour les habitants.
Depuis des décennies, la vie dans le Donbass, qui comprend aussi la région de Lougansk, s'articule autour des mineurs, érigés en modèles des valeurs communistes à l'époque de l'URSS.
Galyna Rodionova se souvient des fêtes du 31 août, la Journée du Mineur, une date très importante dans la mythologie soviétique.
"On a grandi dans ces mines, on y a travaillé et passé nos vies. Tout le monde est comme ça ici, dans toutes les villes", note Mme Rodionova, rencontrée dans le village de Rodynské.
Enfant, sa mère l'emmenait à la mine où elle-même travaillait quand elle n'avait personne pour la garder. Puis la fille a pris la place de la mère.
"C'était un travail difficile mais je l'aimais", dit Galyna Rodionova. Elle l'a accompli pendant 12 ans. Avant que la guerre ne "brise tout".
"On savait qu'on avait une maison, qu'on gagnait de l'argent, qu'on pouvait acheter des choses. Maintenant, on ne sait pas... On vit au jour le jour."
- "La région mourra" -
Près de 10.000 personnes vivent toujours à Pokrovsk et dans ses environs, selon les autorités locales, contre 82.000 personnes avant l'invasion.
Iouri travaille dans l'une des dernières mines encore en activité dans la zone. Pour lui, si ces mines ferment, "la région mourra".
Un autre ouvrier, Maxime, 45 ans, est électricien dans une mine. L'AFP le rencontre à l'aube alors qu'il rentre en bus d'une nuit de travail.
"C'est illusoire de trouver un travail ailleurs que dans une mine dans cette ville", dit cet homme de 45 ans qui se sent relativement en sécurité à travailler sous terre, à l'abri des bombardements.
Le principal risque, explique-t-il, ce sont les tirs qui touchent les transformateurs alimentant les mines en électricité.
"Pas de courant, ça veut dire pas de ventilation et donc moins d'air", souligne Maxime. Lorsque cela se produit, les mineurs foncent vers la surface en remontant des échelles pour ne pas être asphyxiés.
Cet ouvrier vient également d'une famille de mineurs et serait prêt à partir si la mine ferme, même si ce serait très douloureux.
"Sentir que tu es né ici, que tu as ta maison et tes souvenirs, c'est un sentiment qui est difficile à quitter, même quand les choses vont mal."
Et partir, cela voudrait dire aussi pour Maxime ne plus pouvoir aller sur la tombe de sa mère, et, dit-il, cela "déchirerait" son âme.
M.Mendoza--CPN