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Argentine: enhardi par le ralentissement de l'inflation, Milei revient face au Parlement
Surfant sur une embellie macro-économique, le président argentin Javier Milei prononce samedi son deuxième discours de politique générale devant le Parlement après 15 mois au pouvoir, au cours duquel il devrait vanter l'impact de ses réformes radicales même s'il a récemment été égratigné par un scandale lié à une cryptomonnaie suspecte.
"On écrit l'histoire", "Le meilleur gouvernement de l'histoire de l'Argentine"... Dans son style superlatif habituel, l'ultralibéral Milei devrait égrener ses réalisations et annoncer une nouvelle salve de dérégulations face à un hémicycle clairsemé, avec le boycott annoncé de plusieurs sections de l'opposition.
Il y a un an, porté par sa franche victoire à la présidentielle (55,6%), celui qui se décrit comme "anarcho-capitaliste" et "anti-caste" avait défié un Parlement à l'arithmétique hostile - son petit parti y est minoritaire - en promettant "le conflit" si ses réformes étaient entravées.
Beaucoup a changé depuis. L'inflation, qui vrombissait alors à 254% en interannuel, du jamais vu depuis 30 ans, est retombée à 84%.
La hausse mensuelle des prix qui affolait les étiquettes et les Argentins, à +20%, est à présent (janvier) de 2,2%, au plus bas depuis quatre ans et demi.
Premier excédent budgétaire en 14 ans, repli moindre que prévu de l'économie (-1,8% en 2024), frémissement de l'activité en décembre: Javier Milei devrait célébrer l'impact de sa "tronçonneuse" à la renommée désormais mondiale - il en a offert une récemment au milliardaire Elon Musk, chargé de tailler dans le budget fédéral américain.
- Un soutien stable -
Les sondages, convergents, "montrent une stabilité du soutien au gouvernement, au président, à son programme économique", analyse Facundo Cruz, politologue à l'Université de Buenos Aires. La "stabilisation du change (peso/dollar), et la tendance baissière de l'inflation", surtout, y ont contribué.
Javier Milei bénéficie d'un taux d'approbation d'environ 45%. Et son parti, La Libertad Avanza (qui compte actuellement 39 députés sur 257) est crédité d'au moins 35% d'intentions de vote, loin devant l'opposition, aux élections d'octobre qui renouvelleront la moitié des députés et un tiers du Sénat.
Chéri des forums conservateurs comme le CPAC, couverture de magazines vantant le "miracle" argentin, fascinant des politiciens européens, Javier Milei semble intouchable. Mais si son pire ennemi était lui-même ? Dernièrement, deux revers ont été auto-infligés.
D'abord une manifestation massive début février pour défendre la diversité et rejeter le "discours de haine" après la virulente diatribe du président au forum de Davos (Suisse) contre "le virus woke" et le "féminisme radical".
Et puis est venu le "cryptoscandale", invraisemblable épisode qui a vu M. Milei brièvement relayer sur son compte X - avant de se rétracter - un projet de cryptomonnaie, qui a bondi puis s'est effondrée en quelques heures, provoquant des pertes par millions. Des plaintes ont été déposées, visant le président ainsi que les acteurs du projet, et un juge a été chargé d'enquêter.
- Impact du "cryptoscandale" -
Les sondages, convergents là encore, attestent que l'image de M. Milei a été écornée, une majorité trouvant le sujet grave et retenant une forme de responsabilité du président, qu'il ait été trompé, négligent ou pire. Lui a plaidé sa "bonne foi".
"En clair", résume Shila Vilker, politologue directrice du sondeur Trespuntozero, "ils ne le croient pas, mais ils le soutiennent quand même, en raison des résultats macro".
Jusqu'à quand ? "Cela dépendra de comment évoluera l'enquête judiciaire (...) Et de si la politique anti-inflationniste est tenable dans le temps, pour permettre une croissance équitable", tempère Facundo Cruz.
Car le coût social de l'austérité perdure, avec près de 200.000 emplois perdus en un an, une pauvreté à 52% au premier semestre. Ramenée à moins de 40%, objecte aujourd'hui M. Milei, dans l'attente des prochains chiffres officiels semestriels (mars).
En attendant, le scrutin d'octobre est l'objectif du président, pour renforcer sa base au Parlement. Lequel reste un caillou dans sa chaussure et a frustré plusieurs de ses élans, rognant en juin un train de réformes et l'amputant de dizaines de privatisations.
Récemment encore, le Parlement a tergiversé sur les deux candidats présidentiels pour la Cour suprême - M. Milei les a du coup nommés temporairement par décret. Présage, selon Shila Vilker, de ce qui vient: "Eviter le parlement le plus possible", par des décrets. "Et un ton plus agressif encore, pour dicter l'agenda médiatique, car la meilleure des défenses c'est l'attaque".
H.Meyer--CPN